La propriété comme clé d’un véritable changement

04/06/2024

Luc De Jaeger (Funds For Good) et Peter Depauw (Steward-owned) montrent comment les nouveaux modèles de propriété associent le profit financier à l’impact social.

Luc De Jaeger, membre du conseil d’administration de Funds For Good, explique comment un modèle hybride relie le profit financier à l’entrepreneuriat social par le biais d’une propriété orientée vers la mission. Peter Depauw, philosophe économique et penseur systémique chez Steward-owned, apporte un éclairage plus large sur la manière dont les structures de propriété alternatives peuvent ancrer la mission et rompre le lien entre argent et pouvoir. Ensemble, ils explorent les raisons pour lesquelles la propriété est importante – et comment la repenser peut remodeler l’avenir de l’entrepreneuriat.

Au-delà des actions et des droits de vote

« La propriété est au cœur de notre économie depuis des siècles », explique Peter. « Elle détermine qui décide – et dans quel but. Aujourd’hui, cependant, la propriété est souvent devenue un levier d’extraction ».

Selon lui, nous ne devrions pas réduire la propriété à un mécanisme purement financier. Il ne s’agit pas seulement de savoir qui détient les actions ou les droits de vote, mais aussi de connaître les intentions qui sous-tendent ces structures et la direction qu’elles prennent à long terme. La propriété peut être une force stabilisatrice – si elle est conçue de manière réfléchie.

C’est exactement ce qu’a fait Funds For Good. « Dès le départ, le rêve était clair », explique Luc, « les fondateurs voulaient reconnecter la finance à l’entrepreneuriat social. Et cela nécessitait des choix structurels, pas seulement stratégiques ».

Le profit au service de la mission

Chez Funds For Good, une partie des bénéfices des produits financiers est structurellement investie dans des personnes exclues du marché du travail traditionnel, c’est-à-dire des entrepreneurs qui ont du talent mais qui n’ont pas accès au financement. « Les propriétaires sont des personnes qui participent activement à l’entreprise », explique Luc. « Lorsque l’un des fondateurs est parti, les autres ont racheté ses parts. Il n’y a pas eu de conflit, mais la conviction que la propriété devait rester proche de la mission. »

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Alternatives en vue

Pour Peter, cette démarche s’inscrit dans le cadre d’une révision plus large de la propriété : coopératives, fondations, modèles hybrides, etc. « Ce qu’ils ont en commun, c’est l’ambition d’aligner la propriété sur la mission et la responsabilité à long terme.

L’un des modèles qu’il utilise est celui de steward-ownership, qui repose sur deux principes : le profit est au service de la mission et le contrôle reste entre les mains de personnes activement impliquées dans l’objectif de l’entreprise. Ces principes sont ancrés juridiquement, comme une boussole. « C’est ainsi que vous protégez votre mission contre les dérapages, indépendamment de la croissance, des crises ou des pressions extérieures », explique-t-il.

Entre mission et marché

Une structure claire ne signifie pas que toutes les tensions disparaissent, surtout dans la réalité d’aujourd’hui. « C’est un défi », dit Luc. « Nos revenus dépendent des marchés financiers, mais en même temps nous investissons dans l’économie réelle. La question est de savoir comment construire des flux de revenus plus stables. »

Peter considère qu’il s’agit là d’un moment critique de la conception. « Vous devez penser à l’avenir : de quel type de propriété avez-vous besoin lorsque les choses vont très bien ou très mal ? C’est à ce moment-là que la propriété doit tenir bon ». Le steward-ownership peut apporter une réponse à ce problème. En prévoyant une protection juridique, la prise de décision reste ancrée dans la mission, même lorsque le contexte change.

De la niche à la norme

Les structures de propriété alternatives ne sont pas encore très répandues, mais elles sont de plus en plus connues. « En Allemagne et aux Pays-Bas, nous constatons de nets progrès », déclare Peter. « Des cadres juridiques apparaissent et le débat s’approfondit. Les choses bougent également en Belgique. « Il y a de l’élan », note Peter, « mais c’est encore une étape importante que de repenser un principe aussi fondamental. Il touche à tout : le pouvoir, la confiance, la succession, les valeurs ».

Luc constate que cette réflexion commence souvent dans les petites entreprises ou les entreprises familiales, où le lien avec la mission est plus fort. « Cette proximité rend plus logique la réflexion structurelle et la protection de ce qui est important », explique-t-il.

Peter considère le cas de Patagonia comme un point de basculement. « Ils ont placé leurs actions avec droit de vote dans un modèle de steward-ownership et ont déclaré que la planète était leur unique actionnaire. C’était à la fois symbolique et stratégique. Elle a montré que le profit et la mission peuvent aller de pair – si le modèle de propriété le permet ».

Il ajoute : « Il ne s’agit pas de dire qu’il est mauvais de faire des bénéfices. Il s’agit pour une entreprise de se protéger d’une focalisation unique sur la valeur actionnariale. C’est là toute la différence. Le modèle steward-ownership inscrit cette séparation – entre le contrôle et les droits aux bénéfices – dans l’ADN de l’entreprise.

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